Après l’ombre

« Après l’ombre » de Stéphane Mercurio… Ce soir encore, « Les Fondus Déchaînés« , association de cinéphiles de Saint-Brieuc ont réussi un très joli coup, en nous présentant ce film en présence de la réalisatrice et devant un public nombreux. La soirée, compte tenu du thème abordé par le documentaire, était organisée en collaboration avec d’autres associations, visiteurs de prison en particulier.

D’emblée, le film fait penser au très beau « César doit mourir » des frères Taviani. Allez, n’hésitons pas, en affirmant qu’il en a les qualités. Les deux films traitent du même thème, la création d’une pièce de théâtre avec  des prisonniers, sauf que pour le film des frères Taviani il s’agit d’une réalisation avec des prisonniers encore en prison, alors que, dans le film de Stéphane Mercurio, il s’agit de montrer une création théâtrale avec des prisonniers, en fait de longues -voire de très longues!- peines, eux sortis de prison, d’où le titre « Après l’ombre« . Quatre ex-prisonniers, quatre hommes et une femme, l’épouse d’un des quatre hommes, mais qui, elle, n’a jamais été en prison, cinq acteurs donc,  plus Didier Ruiz, le metteur en scène et ses assistants.

   On assiste donc à un film gigogne, où une réalisatrice de cinéma filme un metteur en scène de théâtre et ses acteurs, et pas n’importe quels acteurs, puisqu’il s’agit  de longues peines et c’est leur histoire qui va constituer le spectacle théâtral. Le film, quant à lui, nous montre la gestation du spectacle, les émotions violentes des acteurs, leurs peurs de se raconter, de se mettre à nu, leurs hésitations, leurs angoisses. Petit à petit, les ex-prisonniers nous racontent la prison, l’horreur de l’univers carcéral et les traces indélébiles que le séjour en prison a laissé dans leurs corps, dans leurs cœurs, dans leurs âmes. Il y a une émotion évidemment énorme, dans les personnages, mais aussi dans le metteur en scène qui les « accouche » avec beaucoup de tact, beaucoup de pudeur, mais, en même temps, avec beaucoup de rigueur. Le personnage de l’épouse est extrêmement important par le contrepoint qu’il apporte: la douleur, l’horreur appartiennent bien sûr à ceux de l’intérieur, mais aussi à ceux de l’extérieur, les parents, les amis, qui sont embarqués dans la même galère. Emotion aussi dans la construction de la pièce de théâtre: les personnages évoluent avec le travail théâtral, ils montrent une étonnante solidarité et nous, en tant que spectateurs, sommes dans l’empathie.

   « Après l’ombre » est un film remarquable. Le grand mérite de la réalisatrice est d’avoir réussi à se faire oublier, et, surtout, à faire oublier la présence de la caméra. Elle nous montre les acteurs au travail et les conversations avec le metteur en scène, en gros plans, avec différents axes de prise de vue de la caméra. Surtout elle arrive à nous montrer l’extraordinaire authenticité des personnages, elle a su saisir des moments privilégiés sur les visages, dans les réactions entre les personnages. Chaque plan semble être une première prise, elle obtient directement ce qui aurait pris un temps énorme et de nombreuses répétitions dans un film de fiction et, évidemment, le résultat est stupéfiant! On est au cœur de l’humanité et, encore une fois, l’émotion est très forte, d’autant que l’image est très belle. Certains plans en extérieur, évidemment assez rares, sont d’une époustouflante beauté.

   « Après l’ombre » est donc une incontestable réussite d’un point de vue cinématographique autant que d’un point de vue documentaire, et le débat qui a suivi a confirmé, par la pertinence des interventions, la richesse et la profondeur du film!

Voir aussi la critique de Télérama.

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