Merci à Jeannie Persoz

Chère Jeannie Persoz, 

Jeannie Persoz
Suite à votre lettre "Au Revoir" communiquée via le site de l'ANVP, je tiens à vous adresser mes remerciements pour votre accueil et votre confiance. 
Grâce à vous, depuis deux ans, j'ai le plaisir d'être visiteuse ANVP à Fresnes. 

A Fresnes, j’ai été accueillie par Madame Thibault la DSPIP, juste avant son départ en retraite. Elle m’a conseillée de suivre des jeunes de 18 à 25 ans, me précisant que :
– la plupart d’entre eux n’ont fréquenté l’école que jusqu’à 12 ans
– il suffit parfois d’une rencontre pour changer un parcours. Et elle a ajouté :

« Soyez cette rencontre » -« Si vous pouviez être cette rencontre… » le tout visant à la réinsertion, bien-sûr. 

J’aimerais exprimer que la lassitude que vous évoquez dans votre lettre, il m’est arrivé de la ressentir de façon plus ou moins récurrente dans mon métier (trop invasif, chronophage).

Sachez que durant ces deux années, pas une fois il ne m’a semblé qu’une visite ait été inutile, et de plus, j’ai pris conscience de ce que mon métier m’apportait chaque jour. Les prévenus et les détenus ont toujours exprimé leur gratitude, mais chaque fois je les ai remerciés. Car j’ai constaté, au fil de nos entretiens, qu’ils m’apportaient beaucoup eux aussi et que je m’enrichissais à leur contact. Grâce à leur personnalité, leurs questionnements, leurs centres d’intérêt divers et variés, ils s’intéressent à de nombreux sujets, comme : la philosophie, la géographie, l’histoire de notre pays et son passé colonial, des pratiques culturelles, le cinéma, la littérature qui est l’un des principaux vecteurs de mon engagement auprès de ces personnes détenues, le droit, l’actualité nationale et internationale… 

Les visites permettent de développer sa propre capacité d’écoute, de parler d’Homme à Homme, droit dans les yeux, en prenant le temps d’entendre et de dire les choses, chaque visite nourrissant la suivante. Ce niveau d’échange, ce degré d’humanité qu’offre chaque visite, c’est un sas d’air pur dans notre société actuelle. En milieu carcéral, le temps s’arrête. De mon point de vue, la visite régulière est l’occasion pour chacun, personne incarcérée et visiteur, de réserver (dans une semaine désœuvrée ou surchargée) un moment précieux d’échange et de réflexion en revenant à l’essentiel, pour nourrir le présent en préparant l’avenir. C’est un rendez-vous à ne pas manquer. C’est un temps de parole où les silences ont un sens, dans un contexte où la parole ne peut s’exprimer librement. Par ces visites, j’ai découvert que cet espace de parole intervient aussi dans un lieu où l’écrit a un poids considérable, qui s’exerce en sens unique car il n’est souvent pas maîtrisé par la personne incarcérée. Or la compréhension des écrits juridiques reçus (décisions prises, requêtes possibles) est très aléatoire. Pour cela aussi, le visiteur joue un rôle, en cohérence avec le SPIP (surchargé) et l’avocat commis d’office, aux rares visites.

Une remarque : une émission sur les JAP juges d’application des peines, un mardi soir, m’a beaucoup appris et servi dès le lendemain à Fresnes. 

Pour finir, les livres que je souhaitais initialement faire partager trouvent souvent leur place. Ainsi m’ont-ils réservé de belles surprises, au cours de ces deux années, par les évocations, analyses, suggestions voire demandes qu’ils ont suscitées de la part de plusieurs détenus. Certains ont même pris des notes dans un carnet. Et quand l’un de ces jeunes détenus vous déclare, après avoir longtemps débattu sur la notion du « regard des autres » : « Je vous remercie car, grâce à vous, j’ai accepté le fait que j’aime lire. Maintenant, quand on me dit « Tu lis !? » Je réponds  » Oui, je lis. Et je veux que personne ne me dérange quand je lis. » Et quand ce jeune détenu (qui en a fait plus d’une !) vous analyse deux livres que vous lui avez prêtés, en exprimant des hypothèses sur les intentions des auteurs (London, Hemingway), du type : « Je ne sais pas si je me trompe, mais je pense qu’Hemingway, dans Le vieil homme et la mer, a voulu montrer que, dans la vie, il faut viser un objectif accessible et ne pas s’accrocher, coûte que coûte, à quelque chose d’impossible. Parce que ce vieil homme, quand il voulait à tout prix rapporter l’espadon, n’a pas pêché les poissons plus petits alors qu’il en traversait des bans entiers. » Et lorsque ce jeune vous demande une liste de livres à lire pour n’être pas à court de références lorsqu’il sera sorti de prison… et qu’il dit que, cette fois, il a compris, et qu’il ne recommencera pas… 

Pour tout cela, je vous remercie, Madame Persoz, comme je remercie l’ANVP. 

Je vous souhaite le meilleur pour la suite, vous qui avez donné, et donnez encore tant aux autres. Je suis sûre que ce que vous avez donné pendant toutes ces années de visites, nombre de personnes ont su le recevoir. Vous êtes un modèle pour nous. 

Bien cordialement 
Ghislaine Pruvost-Voldoire

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