Assemblée générale de la NAOPV à Londres

Avec le printemps revient chaque année, depuis plus de 10 ans, l’invitation pour l’ANVP à participer à l’Assemblée Générale de son association sœur en Angleterre : la NAOPV. Même si les contraintes imposées par le Ministère de la Justice britannique ont ralenti depuis deux ans notre collaboration, (rien à voir avec le Brexit !), le souhait est clairement manifesté, de chaque côté de la Manche, d’entretenir le lien et de saisir au fil du temps les opportunités de s’enrichir mutuellement. Cette fois encore l’ANVP a été saluée par le Président de la NAOPV, à l’ouverture  de la séance.
Je ne m’attarderai pas sur l’Assemblée Générale elle-même, d’une association plus petite que la nôtre, aux moyens et activités plus limités que les nôtres, en particulier dans ses relations avec son ministère de tutelle.
110 visiteurs environ (sur 800 membres) participaient à cette journée structurée, comme à l’accoutumée, autour de trois conférences

LA (RE)INSERSION par le TRAVAIL ; une « SUCCESS STORY »

Le premier intervenant a passionné l’auditoire et ouvert de vastes horizons. James TIMPSON a hérité d’une petite entreprise familiale de nettoyage à sec fondée en 1865. D’une centaine d’employés il l’a développée jusqu’à 5600 personnes aujourd’hui, dans plus de 2000 boutiques. Mais là n’est pas ce qui nous intéresse : le point remarquable est que TIMPSON embauche régulièrement d’anciens détenus ; ils représentent 10% de son personnel et un bon nombre d’entre eux sont cadres de l’entreprise ! Tous donnent entière satisfaction : ils sont fidèles, honnêtes, restent plus longtemps que d’autres.  « Je suis fier d’eux ; ils exercent une influence très positive sur l’entreprise ». Un jeune cadre dont c’est la fonction se rend dans des prisons dont le directeur a une personnalité ouverte. (« Nous travaillons avec des directeurs que nous apprécions et suivons d’une prison à une autre, plutôt qu’avec tel ou tel établissement ».)

James TIMPSON

La Société recherche des personnalités positives, et non des compétences. Elle leur propose une embauche dès leur sortie. L’entreprise a recruté 50 hommes sortant de prison avant d’embaucher d’anciennes détenues. Ces femmes sont maintenant les plus nombreuses. TIMPSON forme ces personnes, à l’intérieur et à l’extérieur, à toutes les techniques nécessaires pour couvrir la diversification de l’entreprise (ses petites boutiques proposent maintenant de la cordonnerie, de l’horlogerie, de la téléphonie, de la photographie, etc.). TIMPSON a même fondé « l’Académie de Formation » dans la prison de Liverpool. Les personnes sélectionnées y sont formées  pendant leur peine (à toutes les techniques sauf la fabrication des clés !) . L’entreprise a même obtenu pour la prison de Liverpool l’accès à l’Internet haut débit pour l’atelier photographie ! Les participants doivent être rasés, porter chemise et cravate, respecter les horaires,  apprendre à satisfaire le client. On ne parle pas « d’employés » mais de « collègues ». Ces personnes doivent avoir 24 ans, ne pas avoir commis de crime de nature sexuelle. Certaines sont encore en traitement contre des addictions.  Certaines sont en semi-liberté, d’autres étaient condamnées à perpétuité. Elles sont embauchées à plein temps pour un CDI. L’entreprise utilise les services de psychologues.« Si vous ne baissez pas les bras, vous y arriverez ! » les anciens détenus sont embauchés dans leur région – celle où ils ont commis leur crime ou délit ; paradoxalement les en éloigner s’est toujours révélé un échec. « Tout tourne autour de la confiance ; il s’agit de créer une culture positive. Nous ne sommes pas particulièrement indulgents ; nous sommes plutôt exigeants. Nous ne menons pas d’évaluations ; une fois par an chaque collègue répond sur une échelle de 1 à 10 à la question suivante : « Êtes-vous satisfait de votre responsable ? »  Le taux de réussite est de 98%  !

James TIMPSON préside aussi le « Prison Reform Trust », groupe de pression qui estime qu’il y a dans les prisons anglaises bien trop de personnes (82 000) pour des peines de plus en plus longues. L’espoir chez ces personnes détenues s’amenuise en même temps que leurs chances de réinsertion. James TIMPSON dirige un « Forum d’employeurs pour la réduction de la récidive » qui encourage et guide des employeurs souhaitant offrir une deuxième chance à des infracteurs.

J’ai interrogé Monsieur TIMPSON qui accepterait de venir présenter en France l’engagement de son entreprise. A nous de trouver les professionnels à motiver !

TOMBER et se RELEVER

Jonathan AITKEN, 77 ans, a été député conservateur pendant 23 ans, Ministre -aux Finances et à la Défense-  membre du Cabinet de John Major dans les années ’90. En 1999, il est condamné à 18 mois de prison pour parjure et entrave à la Justice. Il effectue 7 mois dans une prison anglaise considérée comme dure. Avec l’humour qui caractérise les Anglais, J. Aitken relate son entretien d’arrivée avec le psychiatre de la prison : « Est-ce que quelqu’un a été informé de votre présence ici ? ». « Oui, des millions de personnes ! »   (Toutes les télévisions du pays -et de l’étranger- étaient agglutinées devant la prison…). Jonathan Aitken a gardé un profil bas pendant son incarcération, a rédigé des courriers pour des codétenus. « Eh, les gars, Jonathan il sait écrire super bien en attaché !». On faisait la queue devant sa cellule. Il s’est senti enrichi en humanité par la compagnie des autres détenus.

Jonathan Aitken

Après sa détention, J. Aitken a suivi deux ans de théologie à l’université d’Oxford. Il y a un an il a été ordonné diacre de l’Eglise Anglicane à la Cathédrale St Paul de Londres. 18 anciens détenus étaient présents à la petite réception amicale qu’il a donnée ce jour-là…

 Jonathan Aitken est maintenant aumônier de prison ; « J’ai beaucoup appris ; je me sens utile, je suis plus heureux aujourd’hui dans une cellule qu’à la Chambre des Communes ! »

S’éloignant de son cas personnel Jonathan Aitken rappelle que le personnel pénitentiaire a été réduit d’un tiers autour de 2010, avec des résultats désastreux . L’Administration Pénitentiaire recrute à nouveau, à un salaire de £ 27 000  par an, des jeunes bien formés qui acquerront progressivement l’expérience qui leur manque ; ce type d’emploi devient donc à nouveau attractif. Il reste que « La réinsertion est largement un échec ».

« Vous faites un travail remarquable ! Vous allez au charbon ; élevez la voix ! » dit Jonathan Aitken aux visiteurs.

TENDRE la MAIN, au BOUT de la ROUTE

Mary Vaughan avec le Président de la NAOPV

La troisième intervenante, Mary VAUGHAN, a présenté une association très particulière : « Human Writes » (jeu de mots sur l’homophonie entre « écriture » et « droits » en anglais). Cette association créée en 2000 rassemble des Britanniques et quelques étrangers qui écrivent régulièrement et sous leur propre nom à des condamnés à mort aux Etats-Unis. Les couloirs de la mort aux Etats-Unis hébergeaient en mai 2019,  2643 personnes, dont 55 femmes. La peine de mort est encore en vigueur dans 30 états sur 50. Dans certains états elle a été abolie, dans d’autres encore existe un moratoire (comme en Californie). Les États-Unis sont le 6ème État au monde pour le nombre de personnes exécutées chaque année -25 en 2018. En raison des appels possibles, il s’écoule en moyenne 20 ans entre la condamnation et l’exécution. Ce temps dépasse 30 ans pour certains. Une fois, deux fois, trois fois pendant ce temps un condamné peut arriver à quelques heures de son exécution avant d’apprendre qu’elle est repoussée par la Justice. Les membres de « Human Writes » peuvent parfois rendre visite à leur correspondant, en général en lui parlant par téléphone et à travers un épais Plexiglas. Les condamnés passent 23 heures par jour dans leur cellule. « Je ne vis pas ; j’existe ». « Certains jours, ma seule raison de me lever est l’espoir de recevoir une lettre de vous ». Certains se tournent vers l’art ; l’un d’eux, qui n’a pas les moyens d’acheter du matériel, fabrique ses pinceaux avec des mèches de ses cheveux, et les teintes avec de la nourriture… A « Human Writes » des psychologues sont à la disposition des membres dont le correspondant est exécuté. Dans certains cas, après plus de vingt ans, des condamnés sont innocentés grâce à une nouvelle instruction ou des progrès techniques. Le coût des couloirs de la mort pourrait constituer un élément de pression en faveur de l’abolition de la peine de mort dans certains états.

A l’issue de cette riche journée, le président de la NAOPV a invité l’ANVP à la prochaine AG, à Londres, le 19 mai 2020, Brexit ou pas !

Maryvonne de VITTON, visiteuse à Vannes et membre de la Commission Europe

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